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bloc-notes d’Axel Gryspeerdt
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Le toucher selon Jacques Damiot (Lèves (Eure et Loire), 1914 - Paris, 1983),

Affiche automates musiciens
Les automates en fonctionnement
Les sujets sont particulièrement évocateurs et, à leur énoncé conjoint, l'imagination peut commencer à s'envoler. Que diriez-vous d'une collection dans laquelle voisinent une charmeuse de serpents, un clown acrobate, un ange musicien, un pinson chanteur, un Pierrot lunaire, un chinois escamoteur... ? Ou encore une série de chiens sautants ou de singes hurlants ? Tout un théâtre humain et animal s'y presse et s'y pressent. S'agirait-il d'un musée du théâtre et des décors ? Presque. D'un musée de la marionnette, comme celui de Lisbonne, qui abrite aussi des masques dans le couvent des Bernardines (Bernardas) datant du XIIe siècle ? Éventuellement ! D'une collection de poupées ? D'un cabinet de curiosités ? Mais encore ?

Jacques Damiot, antiquaire-décorateur, est souvent présenté comme le plus grand collectionneur français d'automates en état de fonctionnement, lui qui a patiemment rassemblé plus d'une soixantaine de pièces du XIXe siècle, les a fait fonctionner et jouer sous ses mains expertes.


S'exprimant à propos de l'art africain, Emmanuel Pierrat constatait que « les vitrines des musées n'autorisent guère à saisir leurs trésors : cela permet pourtant de constater la légèreté ou la lourdeur d'une œuvre, de humer le fumet qu'elle continue de dégager, et surtout, de modifier la position dans laquelle elle est figée : c'est pourtant au prix d'une telle manipulation que se dévoile une vision tout autre de ce qui semblait, au premier regard, n'être qu'un très beau tabouret et se révèle une femme en majesté... » (Emmanuel Pierrat, Comprendre l'art africain, Éditions du Chêne, Paris, 2008, p. 279).

La Magicienne (Musée de Neuilly)
La Magicienne (Musée de Neuilly)

La remarque est générale. C'est bien là que réside une des différences entre le musée et la collection privée, dont le propriétaire peut manipuler, palper et éventuellement soupeser à tout moment les composants et faire partager par ses visiteurs les mêmes sensations. Que dire alors quand les œuvres sont capables de se mettre à bouger, à chanter, à sauter, à danser, dès lors qu'on parvient à faire jouer leurs mécanismes. Même lorsqu'elles utilisent l'énergie électrique, leur animation derrière une vitrine de protection, ou au haut d'une étagère surélevée, ne parvient pas à leur donner le semblant de vie auxquelles elles aspirent, accentuant dès lors le caractère dérisoire de certaines pièces.

Joueur de banjo par Gustave Vichy, ancienne collection J. Damiot
Joueur de banjo par Gustave Vichy,
ancienne collection J. Damiot

Quelles joies a dû ressentir Jacques Damiot quand il permettait à ses automates de satisfaire les mouvements dont les créateurs les ont dotés. Les automates ne font-ils pas partie des objets qui, par l'impression de vie corporelle qui leur est conférée, acquièrent aisément une dimension mystérieuse, voire sacrée ? Bon nombre de réalisateurs de films s'en sont souvenus quand, souhaitant créer de l'ambiance exotique, ils se sont inspirés, sinon emparés de la mise en scène des cabinets d'automates pour émouvoir les spectateurs.

Donner ainsi la vie, ou le semblant de la vie, comme, naguère, Geppetto créa dans son atelier une « poupée » de forme humaine ? Les collectionneurs de Pinocchios sous toutes les formes (jouets, pantins de bois, porte-clefs, wakouwas, films, hebdomadaires et livres, y compris plusieurs raretés bibliographiques, et aussi séries de timbres postes, dessins et gravures, parfois de fort haute tenue esthétique, automates aussi bien sûr...) s'en souviennent-ils?

I'm not a liar! (Photo Tristan Schmurr)
I'm not a liar! (Photo Tristan Schmurr)

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