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Ils les collectionnent !


Le mot « chiner » vient-il du fait que les Chinois aiment faire les brocantes et partir à la chasse aux antiquités ? Peut-être. Ce qui est sûr, c'est que ceux-ci aiment collectionner, que c'est une réelle mode aujourd'hui et que celle-ci ne date pas d'hier !

par Sébastien Roussillat, La Chine au présent, 29 septembre 2014

Ils les collectionnent !
Des « mets » en pierres rares ont fait sensation en 2011 dans le monde de la collection.


Il n'est pas difficile de se rendre compte que collectionner est une mode pour les Chinois lorsque l'on se rend en Chine, ou lorsque l'on va dans des ventes aux enchères, que ce soit en Europe ou en Amérique. De plus en plus d'esthètes ou d'investisseurs chinois se retrouvent dans les salles de vente pour y faire grimper les enchères. Certains pour récupérer des objets d'art chinois disparus à l'étranger lors des Guerres de l'Opium ou lors des sacs des palais impériaux par l'Armée franco-britannique, d'autres en raison de leur goût pour l'art et les antiquités.

Mais ce n'est pas un phénomène qui touche uniquement les élites ou les fortunes chinoises. Collectionner est à la mode partout en Chine, dans les classes moyennes, mais aussi dans les campagnes. La collection ne concerne pas uniquement les objets d'art de luxe ni les objets historiques. Elle peut très bien se résumer à une collection de timbres, d'anciens objets de la vie courante, ou même de vieux journaux ou bouquins.

Regain d'intérêt pour la collection

Après avoir vécu une période très mouvementée dans les années 60-70, pendant laquelle tout ce qui était ancien était vu comme perversion et appelé les « 4 vieilleries », la Chine est aujourd'hui entrée dans une période de retrouvailles avec ces antiquités. Les émissions de télévision consacrées à l'estimation ou l'authentification d'objets plus ou moins anciens fleurissent sous des formes plus ou moins sérieuses. Des spectateurs amènent leurs objets à l'émission pour les faire expertiser. Dans l'une des plus connues, celle de la BeijingTV, si l'objet est reconnu comme une copie, il est immédiatement détruit pendant l'émission. Une manière de faire comprendre aux gens que les faux qui envahissent le marché chinois des antiquités n'ont pas leur place sur celui-ci. Les sites internet consacrés à toutes sortes de collections ou d'enchères sont légion, et les magasins d'antiquités plus ou moins imposants sont nombreux dans les villes chinoises.

Dans la majorité des villes chinoises, on peut aussi trouver des brocantes en plein air, telles que celles de Panjiayuan ou de Liulichang à Beijing. Parfois submergées de contrefaçons, il est tout de même possible d'y trouver de vrais pièces d'antiquités si l'on a l'œil assez affiné pour.

Enfin à un niveau plus professionnel voire expert, les enchères d'œuvres d'art ou d'objets antiques, qu'ils soient d'origine chinoise ou étrangère, ont le vent en poupe en Chine. Plusieurs grandes maisons telles China Guardian, Poly International Auction, Hanhai ou encore Rongbaozhai organisent régulièrement des séances de vente très courues.

Mais pourquoi tu gardes toutes ces vieilleries ?

C'est souvent ce qu'un collectionneur s'entend dire quand sa famille est excédée par la place que prennent ses collections chez lui. Besoin compulsif d'accumuler ou plaisir de posséder, qu'est-ce qui pousse les Chinois à collectionner, et que collectionnent-ils ?

En général, on trouve quatre raisons à la collection. La première : le plaisir d'avoir des objets historiques ou d'art chez soi, pour son propre bonheur. La deuxième : la mission historique de préservation que certains se donnent en collectionnant des objets témoignant d'un évènement ou d'une époque historique chinoise en particulier. La troisième : le rôle inspirateur qu'ont certains objets ou œuvres d'art, notamment auprès des artistes qui cherchent à étudier les maîtres ou trouver des idées de création. Et enfin, l'investissement et la décoration, assez populaires parmi les Chinois de la haute société ou les nouveaux riches qui veulent se forger une culture, ou au moins, faire semblant qu'ils en ont.

Des collections en veux-tu en voilà !

Parmi les collections les plus répandues en Chine, on trouve évidemment les peintures et les calligraphies. Certaines, si elles sont vraiment uniques, peuvent atteindre des prix très élevés. Les anciennes pièces de monnaie, qui possèdent une valeur intrinsèque et un potentiel de plus-value important, sont aussi des objets très prisés. Les reliques d'une époque particulière, telle que la République de Chine, les années 50, l'époque de la Révolution culturelle, ou les années 80 – postes de radio, vieilles télévisions, anciens jouets ou téléphones – sont aussi beaucoup recherchés. Évidemment, les émaux et les porcelaines sont des objets de collection qui ont la faveur des Chinois. Les Chinois aiment aussi collectionner les timbres et les billets de banque, ou encore les pièces de monnaie commémoratives. Et parmi les collections les plus insolites que l'on puisse trouver, celles de théières, de pots de chambre en émail ou encore de « cailloux »...

Un journaliste américain s'était un jour moqué des Chinois qui collectionnent les pierres. Sûrement interloqué par ce type de passe-temps, il ne s'était pas rendu compte que c'est un type de collection ancestral qui tient son origine d'une culture taoïste millénaire. Les pierres du mont Taishan, le mont sacré chinois, par exemple, sont très réputées et se vendent parfois très cher, suivant leur forme ou leur veinage. Moi-même j'en ai une qui ressemble au caractère chinois « montagne ». Le jade est également très prisé, qu'il soit sous forme de bijoux ou sculpté.

Une passion qui ne date pas d'hier

Collectionner est très en vogue en Chine en ce moment, mais c'est une mode qui existait déjà avant. D'ailleurs le mot chinois pour collectionner, signifiant littéralement « collectionner-cacher », fait référence à la façon dont on mettait les collections dans un cabinet spécial hors de vue et à l'abri des insectes, dans des coffres ou armoires en camphre. On peut dire que cette passion reprend vie ces dernières années, mais ce n'est en aucun cas une nouveauté. En effet, déjà à l'époque des Song par exemple (960-1279), la poétesse Li Qingzhao et son mari faisaient les brocantes et les marchés aux antiquités, et parcouraient la Chine pour trouver des gravures ou estampes des stèles. Leur collection d'antiquités était tellement importante que lors de leur exode vers le sud de la Chine après l'invasion des Jin, ils durent utiliser une cinquantaine de charrettes pour acheminer toutes les caisses contenant leurs objets. Malheureusement, ceux-ci furent dispersés à cause des conflits, et après la mort du mari de Li Qingzhao, il n'en restait plus rien, ce qui rendit celle-ci extrêmement mélancolique et lui fit écrire de très beaux poèmes. Un mal pour un bien finalement.

Le peintre et calligraphe Zhao Mengfu de la dynastie des Yuan (1271-1368) était lui aussi un collectionneur chevronné qui voyait dans cette activité un héritage ainsi qu'un moyen d'étudier le style de ses prédécesseurs et d'y trouver l'inspiration.

Dong Qichang, calligraphe de la dynastie des Ming (1368-1644), était lui un fervent collectionneur de peintures et de calligraphies. On retrouve son sceau sur un nombre impressionnant d'entre elles. D'après ses registres d'achats, il n'en revendait aucune après les avoir achetées et était un fin connaisseur. Il est parfois décrit comme le premier marchand d'art chinois ou en tous cas, l'un des collectionneurs les plus chevronnés. Son cabinet Xuan- shang recueillait un nombre incalculable de trésors de calligraphies et de peintures, et ses registres de collections sont un outil de travail pour les experts en antiquités d'aujourd'hui.

L'empereur Qianlong de la dynastie des Qing (1644-1911) était lui aussi un collectionneur acharné. Il est notamment considéré comme l'empereur possédant la plus importante collection de pièces d'art. La plupart des objets d'art chinois mis aux enchères partout dans le monde proviennent des collections de cet empereur. Qu'ils aient été dérobés lors du sac du Jardin Yuanmingyuan ou bien pendant la période mouvementée suivant l'abdication du dernier empereur, tous ces objets sont très courus par les collectionneurs du monde entier, qu'ils soient chinois ou étrangers.

J'ai décidé de continuer la mienne. Un jour peut-être, comme Ma Weidu, j'ouvrirai un musée de théières, qui sait ?!

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