Nathalie MOUREAU, Dominique SAGOT-DUVAUROUX, Marion VIDAL
Coll. « Culture études » 2015-1, 22 p.
Avril 2015
Qu'est-ce qu'un collectionneur ? Si le nom a fait officiellement son entrée dans le dictionnaire en 1789, sa définition recouvre des pratiques différentes : certaines approches mettent en avant la valeur subjective attachée à l'objet, tandis que d'autres soulignent l'importance du processus d'accumulation et de sélection. De nombreux traits semblent pouvoir définir communément les collectionneurs, quel que soit l'objet de la collection, coquillage, timbre, papillon ou encore œuvre d'art.
Toutefois, les collectionneurs qui soutiennent l'art « en train de se faire » se distinguent par des pratiques plus variées que celles usuellement relevées chez leurs homologues. En effet, en plus d'être acquéreur, le collectionneur d'art contemporain est susceptible d'agir sur la vie artistique, notamment grâce au soutien matériel apporté aux artistes et en contribuant à la construction de la valeur artistique. Cette particularité est d'autant plus notable que l'engagement du collectionneur n'est pas l'apanage d'une seule élite fortunée, comme le montre la typologie des profils de collectionneurs établie ici.
Il apparaît en effet que les pratiques de collectionneurs se déploient le long d'un continuum allant du collectionneur acquéreur, mû par le besoin de posséder une œuvre, au collectionneur acteur, pour lequel l'acquisition n'est que l'expression de sa volonté de contribuer à la vitalité de la scène artistique.
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Synthèse
Les collectionneurs : diplômés, seniors et franciliens
Majoritairement masculine (73 % des collectionneurs sont des hommes), la population des collectionneurs se distingue par son niveau de diplôme plus élevé que l'ensemble de la population (les trois-quarts sont titulaires d'un diplôme de niveau bac + 4), pour un quart d'entre eux dans le domaine de l'histoire de l'art.
Près des deux tiers sont âgés de plus de 50 ans et près de la moitié résident en Île-de-France, deux caractéristiques qui rejoignent celles des publics de la culture. En outre, l'âge moyen des collectionneurs s'explique en partie par la capacité financière liée au cycle de vie. Si près de la moitié (43 %) des collectionneurs ont fait leur première acquisition entre 20 et 30 ans, un tiers ont commencé leur collection plus tôt encore.
Les collections : des engagements financiers variables pour des collections de taille et de nature très diverses
Les collections d'art contemporain sont de taille et de nature variées : une collection sur cinq compte plus de 200 pièces tandis que plus d'un tiers (37 %) comptent moins de cinquante pièces. Pour la plupart exposées au domicile du collectionneur, il s'agit d'abord de peinture (90 % des collections comptent au moins une œuvre de peinture), de sculpture, de photographie ou de dessin pour les trois quart des collections, et beaucoup moins fréquemment de vidéo (27 %) ou d'installations (20 %).
Moins d'un collectionneur sur dix a consacré plus de 100 000 € à l'acquisition d'une œuvre, un tiers entre 10 000 et 50 000 €, et un quart une somme maximale inférieure à 5 000 €. S'il est très variable en valeur, l'engagement financier des collectionneurs est relativement équitablement distribué en proportion du revenu disponible. 10 % des collectionneurs consacrent annuellement moins de 2 000 euros à leur collection, quand 16 % lui consacrent plus de 50 000 euros. Si l'on rapporte cette somme aux revenus annuels moyens, on observe qu'un quart des collectionneurs consacrent une somme inférieure à moins d'un mois de revenus, un quart lui consacrent l'équivalent d'un mois, un autre quart l'équivalent de 1 à 2 mois et le dernier quart l'équivalent de plus de deux mois de salaire.
Collectionneurs et artistes : assistance, soutien à la production et à la diffusion
Le collectionneur d'art contemporain est présent sur les deux faces du marché et opère du côté de la demande mais aussi de l'offre au travers de son engagement auprès des artistes, pour plus de la moitié d'entre eux (54 %).
Un tiers des collectionneurs apportent ainsi un soutien matériel (mise à disposition d'atelier par exemple) ou financier (don, prêt ou avance) et 44 % soutiennent directement la production artistique en passant des commandes.
Enfin, un tiers des collectionneurs soutiennent la diffusion des œuvres : collaboration à des projets d'exposition, participation au financement de catalogues d'artistes, etc.
Collectionneurs et institutions muséales : attirances et frustrations
60 % des collectionneurs sont membres d'une société d'amis de musée, plus de la moitié prêtent des œuvres à des musées, 14 % sont membres d'une commission d'achat ou du conseil d'administration d'un musée.
L'engagement des collectionneurs est corrélé à leur investissement dans leur collection et les collectionneurs les plus investis entretiennent souvent des relations plus étroites avec les institutions. Ils sont aussi plus nombreux à visiter des foires étrangères, possèdent une collection plus grande et lui consacrent plus de temps et d'argent.
Si les collectionneurs considèrent comme une consécration et une reconnaissance de leur engagement le fait que leurs choix artistiques soient confirmés par un musée, ils regrettent parfois le manque d'égard des institutions : au collectionneur serait reconnue la fonction de mécène, mais lui serait déniée la légitimité du conservateur.
Collectionneurs et galeristes :
Les galeries constituent un autre point de polarité pour les collectionneurs : ils sont 39 % à suivre le travail d'une à cinq galeries en particulier, qu'ils soutiennent parfois financièrement. Pour nombre de collectionneurs, les galeries ont été le lieu de formation de leur goût artistique, et les trois quart d'entre eux considèrent les conseils des galeristes comme importants. Ils sont aussi 40 % à y acheter régulièrement des œuvres. Pour autant, la dimension financière des rapports entre collectionneurs et galeristes est parfois source de tension.
Engagements des collectionneurs dans la vie artistique : de l'engagement altruiste aux motivations économiques
L'investissement des collectionneurs dans la vie artistique, dont l'intensité est corrélée à la taille de la collection, répond à des motivations variées. Des mobiles individuels (recherche de plaisir esthétique), sociaux (désir de se distinguer ou de s'intégrer dans un milieu social convoité) et financiers (s'enrichir, constituer un patrimoine) se combinent dans leur activité de collectionneur. L'intensité de ces motivations et leur hiérarchie varient au cours de la carrière des collectionneurs.
Du quasi-professionnel à l'indépendant : une typologie des collectionneurs d'art contemporain
À partir des profils et des parcours individuels, l'étude propose une typologie des collectionneurs engagés dans la vie artistique, construite à partir de variables significatives comme la taille de la collection par exemple, l'investissement financier ou encore la visite de foires d'art contemporain, en France et à l'étranger. Quatre profils types ont été distingués à partir d'une analyse des correspondances multiples dont les traits caractéristiques sont décrits : les collectionneurs quasi professionnels, les collectionneurs investis, les pondérés et les indépendants. Ces profils types offrent une photographie statistique de l'investissement des collectionneurs dans la vie artistique. Dans la réalité, l'investissement, tout comme les motivations, évoluent tout au long des carrières de collectionneurs.
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Source
Ministère de la Culture et de la Communication
Secrétariat général
Service des politiques culturelles et de l'innovation
Département des études, de la prospective et des statistiques
http://www.culturecommunication.gouv.fr
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