icone titre
Festival de l'histoire de l'art (Fontainebleau)

30 mai – 1er juin 2014

Le 30 mai, Jean-Claude Jouret et Philippe Marion ont traité de :
« Collection et récit. Ce que racontent les collections de BD, le cas emblématique de Tintin ».

Voici un bref résumé de leur intervention :

L’approche générationnelle : vers une compréhension des motivations des collectionneurs de Tintin

Quels sont les phénomènes à l’origine de l’acte de collectionner tout ce qui touche à l’univers des aventures de Tintin ? Voilà certes une question à laquelle les réponses sont aussi complexes que nombreuses...
C’est sur la base d’une approche générationnelle que nous proposons de mieux comprendre les manières dont les collectionneurs s’approprient l’univers créé par Hergé.


Le lecteur des aventures de Tintin retiendra le fil narratif de ces aventures qu’il a lues et relues au travers d’emblèmes représentatifs qui constituent, non seulement autant de condensés d’une histoire qui lui est racontée, mais qui lui racontent aussi son histoire. Dis-moi ce que tu collectionnes, je te dirai qui tu es !

À l’image des aventures de Tintin dont les niveaux de lecture varient selon l’âge du lecteur, le fait de « collectionner Tintin » est non seulement une manière de s‘approprier un univers qui a transporté – et qui transporte toujours – les générations, mais constitue sans doute une façon d’entretenir et de maintenir captifs les souvenirs nostalgiques de l’enfance.

Si nous admettons qu’il faut être vieux pour être collectionneur, il faut préciser que l’adjectif « vieux » n’a pas de connotation péjorative, il fait simplement référence à la notion de souvenir...
Et si, comme le chante Jacques Brel « les souvenirs deviennent ce que les vieux en font », alors la multiplicité des formes que prennent nos souvenirs explique les nombreuses manières de développer une collection « Tintin ».
In fine, collectionner « Tintin », c’est un peu comme une madeleine de Proust, entretenir les souvenirs du temps passé avec toute la charge émotionnelle qu’ils véhiculent...
Du voyageur en quête – pour quelques « riels » – d’une version cambodgienne d’un album de son héros favori à l’acheteur fortuné qui s’acquitte de plusieurs centaines de milliers d’euros pour s’approprier une planche – non seulement « morceau » original de l’œuvre, mais aussi « morceau » d’un tendre passé – tous les goûts des collectionneurs sont dans la nature ou plutôt, face à l’œuvre d’Hergé, les collections relèvent de toute les natures...
Et si nous abordions ensemble la bande dessinée comme une collection d’histoires et la création d’Hergé par l’histoire de ses collections ?

Tintin


Le 1er juin, Axel Gryspeerdt a fait un exposé sur le thème :
« Les lieux et les médias des collections privées, révélateurs de leur mode d’intrusion dans l’espace public ».

En voici un résumé :

Depuis les endroits cachés jusqu’aux lieux d’expositions publiques en passant par l’intimité des cabinets et des maisons particulières, les divers lieux occupés au cours des siècles par les collections privées sont-ils révélateurs de profonds changements, voire de « mutations » dans les perceptions de leurs contemporains ?
À quelles mises en scènes les collectionneurs contemporains recourent-ils ?
Sont-ils passés d’un comportement de discrétion et de réserve, voire d’une pratique du secret, à une visibilité médiatique forte ? Quels sont leurs modes d’intrusion dans l’espace public ?


Au cours du temps, les collectionneurs privés – qu’il s’agisse de Tibère, de Bessarion, ou de Goethe, de Charles Darwin ou encore de Mario Praz, d’Albert Barnes, de Jacques Thuillier, de François Pinault, d’Orhan Pamuk ou d’Antoine de Galbert par exemple – n’ont pas eu recours aux mêmes modes d’hébergement ni aux mêmes stratégies de mises en scènes de leurs collections.

Suivant les théories émises par Régis Debray et Marshall McLuhan, la raison de ces différences serait probablement à trouver dans l’environnement socio-technologique dans lequel chacun d’eux œuvrait.

Cette explication est-elle suffisante ?
Quelles limites l’approche de type médiatique voire médiologique suivie par ces auteurs présente-t-elle ?

Depuis les endroits cachés – grottes, coffres, trésors des églises – jusqu’aux lieux d’expositions publiques – musées privés, présence dans les médias – en passant par l’intimité des cabinets et des maisons particulières, les divers lieux occupés au cours des siècles par les collections privées sont-ils, comme ils l’affirment, révélateurs des profonds changements, voire de « mutations » survenus dans les perceptions de leurs contemporains ?

À quelles stratégies d’occupation des lieux et des espaces les collectionneurs contemporains recourent-ils ? Quels usages font-ils des nouvelles technologies ? Sur cette base, différents profils de collectionneurs peuvent-ils être dégagés ?

C’est au départ de la lecture d’un roman contemporain que les différents modes de collectionner seront présentés et débattus.

Principaux éléments bibliographiques

1. Analyses historiques, sociologiques et médiologiques

Régis Debray, Vie et mort de l’image. Une histoire du regard en Occident, Gallimard, Paris, 1992.
Régis Debray, Cours de médiologie générale, Gallimard, Paris, 1991.
Régis Debray, Manifestes médiologiques, Gallimard, Paris, 1994.
Régis Debray, Contre Venise, Gallimard, Paris, 1997.
Marc Duffett, Understanding Fandom. An introduction to the study of media fan culture, Bloomsbury, New-York, 2013.
Nathalie Heinich, De la visibilité. Excellence et singularité en régime médiatique, Gallimard, Paris, 2012.
Marshall McLuhan, La Galaxie Gutenberg, Gallimard, Paris, 1961
Marshall McLuhan, Pour comprendre les médias, Seuil, Paris, 1964.
Krzysztof Pomian, Collectionneurs, amateurs et curieux. Paris-Venise, XVIe-XVIIIe siècles, Gallimard, Paris, 1987.
Krzysztof Pomian, Des saintes reliques à l’art moderne. Venise-Chicago, XIIe-XXe siècles, Gallimard, Paris, 2003.
Francis Rousseaux, Classer ou collectionner ? Réconcilier scientifiques et collectionneurs, Ed. Bruylant-Academia, Louvain-la-Neuve, 2007.
Julie Verlaine, Une histoire du collectionnisme féminin, 2014.

2. Présentations de collectionneurs

Jacques Attali, Mémoire de sabliers. Collections, mode d’emploi, Editions de l’Amateur, Paris, 1997.
Johann Wolfgang von Goethe, Voyage en Italie, Bartillat, Paris, 2003.
Nathalie Guiot, Conversations, artistes et collectionneurs, Les presses du Réel, Bruxelles, 2014.
D. Granet et C. Lamour, Grands et petits secrets du monde de l’art, Fayard, Paris, 2010.
Reif Larsen, L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet, Nil Editions, 2010.
Pierre Le-Tan, Quelques collectionneurs, Flammarion, 2013.
Anne Martin-Fugier, Collectionneurs. Entretiens, Actes Sud, Arles, 2012.
Suzanne Pagé, Passions privées. Collections particulières d'art moderne et contemporain en France, Musée d’art moderne de la ville de Paris, 1995.
Orhan Pamuk, Le musée de l’Innocence, Gallimard, Paris, 2011.
Orhan Pamuk, L’innocence des objets, Gallimard, Paris, 2012.
Georges Perec, Un cabinet d’amateur, Seuil, Paris, 1994.
Emmanuel Pierrat, Les nouveaux cabinets de curiosité, Les Beaux Jours, Paris, 2011.
André Querton, La Chambre d’art,éd. de l’Age d’homme, Lausanne, 2014.
Gérard Wajcman et alii, L’intime. La maison rouge, Fage éditions, Paris, 2004.

Querton, la chambre d'art


Site bas