Conférence /performance dans le cadre de l'ouverture de l'exposition d'étudiants d'arts², « Tous les marteaux se ressemblent »,
À la Maison des Arts de Schaerbeek, dans l'une des salles d'exposition de l'hôtel de maître fraîchement rénové, Juan d'Oultremont a proposé le 19 janvier dernier une nouvelle version de sa performance « Je collectionne » dans le cadre de l'exposition d'étudiants d'Arts²,
Tous les marteaux se ressemblent .
Pendant près d'une heure (le temps que passe l'un de ses vinyles des « sons du silence »), le plasticien, romancier et journaliste, qui a enseigné longtemps à l'ERG, a énuméré ses nombreuses collections, qui sont autant d'occasions de « raconter quelques anecdotes » devant une salle comble (plusieurs personnes ne pouvant que tendre une oreille, assises dans l'entrebâillement d'une porte) et d'emblée conquise.
La publication qui sert de canevas à cette performance plusieurs fois donnée (en 2015, à Bruxelles, ou à Liège en 2017) a été éditée par Lustre en 2015 : il s'agit d'un « plié », c'est-à-dire d'une feuille de 50 x 70 cm à déplier comme un jeu de l'oie, imprimé à 200 exemplaires.
Les collections y sont numérotées et sobrement décrites. Lors de la performance, mi-lue, mi-improvisée, Juan d'Oultremont suit l'ordre prévu, mais rend l'énumération vivante en s'arrêtant sur un détail ou un souvenir, expliquant par exemple pourquoi il ne collectionne que les soldats de plomb morts ou blessés – ayant été fortement impressionné par une photographie de propagande montrant comment devait « mourir un d'Oultremont ».
Il lui arrive aussi de montrer les objets évoqués : quelques statuettes de couples de mariés en plastique (destinées à figurer sur les pièces montées), sa collection de matraques au grand complet ou encore de beaux échantillons de sa collection de « cacas factices » en plastique, dont il tient à souligner la grande diversité en fonction des frontières nationales.
Juan d'Oultremont n'hésite pas à digresser quitte à « être trop long », mais c'est le plus passionnant, on s'en doute :
à partir de combien de pièces une collection est-elle une collection ? se demande-t-il par exemple. Pour lui, une pièce unique peut avoir un « potentiel de collection » et « appeler d'autres objets ».
Il tient aussi à relever le rôle des catalogues raisonnés, objets de recensement, qui visent à l'exhaustivité, pour les collectionneurs. Il en a d'ailleurs apporté quelques-uns, marqués aux pages de ce qui lui manque, ou de ce qu'il possède déjà, c'est selon.
Amusé, il mentionne aussi l'idée des « collections par procuration » lorsque par manque de place ou par jeu, on commence à offrir des objets en série à ses proches (dans son cas, à son beau-père).
Il énumère, d'un ton froid, le nombre de boîtes concernées par telle ou telle collection, et mentionne, comme un archiviste, les cas où la collection est clôturée.
Au fil de la performance, alors qu'il explique pourquoi il s'est mis à collectionner les cartes postales de sanatoriums ou les vinyles parlés, on comprend à quel point les objets que l'on amasse sont des miroirs grossissants, autant que d'improbables autoportraits. Les nombreux menus de mariage qu'il a collectés jusqu'à pouvoir en placer un à la date du jour sur la table de tous ses dîners montrent aussi que ce qui l'intéresse, en tant qu'artiste, mais plus simplement en tant que personne, c'est souvent de faire quelque chose de ses collections : de les réactiver.
Collections abstraites comme sa collection de proportions (selon les terminologies souvent utilisées par la presse, du type « 7 personnes sur 10 », « 1 Belge sur 4 », etc.), ou collections on ne peut plus concrètes, on découvre, fasciné, amusé mais aussi un peu effrayé, l'étendue de ses curiosités, reflets d'un personnage curieux.
Anne Reverseau (FNRS / UCLouvain)