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Les Maisons des Illustres : des mémoires en mouvements

Rencontres Chercheurs/Professionnels des 9 et 10 juin 2022 à l'Espace Louis Pasteur à Arbois.

Arbois. Non loin de la maison où Louis Pasteur a passé son enfance et son adolescence, dans les bâtiments de l'ancienne église Notre-Dame, s'est tenu un imposant colloque consacré aux Maisons des Illustres, reconnues en France depuis 2011. Actuellement, on dénombre quelques 245 maisons de ce type, ayant hébergé des personnalités marquantes du monde des arts, des lettres, des sciences, de la politique, « qui se sont illustrés dans l'Histoire de la France ».

Ce colloque fut une merveilleuse occasion pour s'intéresser au contenu et au territoire de ces maisons, par l'intermédiaire d'une quinzaine d'exposés proposés par des universitaires ou des professionnels du terrain.

Il va sans dire qu'un certain nombre des interventions ont porté sur des collections, notamment les collections de la famille Cabrières-Sabatier présentées par deux chercheuses de l'Université de Montpellier, les collections des produits dérivés autour de l'œuvre d'Edmond Rostand par une conservatrice de la maison de l'écrivain sise à Cambo-les-Bains, les albums d'Illustres par une chercheuse américaine de l'Université d'Etat Montclair et les fans de Jane Austen par une chercheuse de l'Université de Bordeaux Montaigne.

Axel Gryspeerdt a eu le privilège d'aborder le thème du bel objet, dans une conférence intitulée « Mon Bel Objet, ma Relique », thème proposé par les organisateurs du colloque, Anne Parizot et Daniel Raichvarg, professeurs à l'Université de Besançon Franche Comté et Sylvie Morel, directrice de Terre de Louis Pasteur, établissement public de coopération culturelle.

Selon lui, le Bel Objet ne se définit pas par son esthétique, ni par sa fonctionnalité, ni par son confort, ni par sa durabilité.
Au contraire, il peut être banal, trivial ou flamboyant, voire grandiose. Récurent dans son exposé, le nain de jardin en jalonna les diverses parties. Nain de jardin, symbole même de l'attachement (déraisonnable ?) que certaines personnes peuvent lui porter, à l'instar du Rosebud de Charles Foster Kane ou de la Rose du petit Prince de Saint-Exupéry.

Abordant quelques exemples de Bel Objet, l'orateur montra qu'il peut s'agir d'un fétiche (les figurines antiques collectionnées par Sigmund Freud), d'un jardin (le Giverny de Claude Monet), d'un palais (la maison orientale de Pierre Loti à Rochefort), d'œuvres d'art, etc.

Pour le Président de Collectiana, l'essence du Bel Objet peut être saisie à l'aide du carré de Carl Jung, où se conjuguent selon deux axes - Ciel/Terre, Cœur/Raison - les quatre principales caractéristiques que sont l'objet physique, la marque de propriété, le niveau d'attachement et la signification profonde. Tout objet aimé renvoie en effet à une réalité supérieure qui le dépasse.

Le Bel objet donne lieu à une série de rites et d'activités de reconnaissances et d'hommages. Rendre hommage au bel objet consiste à rendre hommage à celui qui le possède.

La spécificité intime du bel objet n'empêche pas que, dans certaines circonstances, un public puisse s'intéresser à lui, entraînant une « augmentation de sa valeur », (en liaison avec les théories de Luc Boltanski sur l'enrichissement), ainsi qu'un surcroît de commentaires et une mise en valeur de type théâtrale.

Dès lors, afin de respecter au mieux son propriétaire et ses désidératas éventuels, on s'avisera de respecter l'intégrité de son Bel Objet, d'illustrer celui-ci par des commentaires non envahissants et de se méfier de toute spectacularisation intempestive.

Les règles implicites de l'excellent ouvrage que les cousins Gamboni ont consacré au Musée comme expérience (Ed. Hazan, 2020) seront d'application : sélectionner les « Bels Objets », s'en tenir à ceux-ci ; ne pas accumuler les objets hétéroclites, ni les objets personnels ; fuir tout effet de modernité ; respecter les souhaits des propriétaires, surtout quand ils sont les concepteurs d'une œuvre de collection. A défaut des objets physiques, il conviendra de recourir aux traces visuelles par le biais de la photographie, du dessin, de la gravure, de l'artéfact.

Sans omettre la leçon implicite d'Erving Goffmann évoquant l'idée selon laquelle il convient que « chacun traite et honore l'autre comme un dieu ».

Une série d'exemples, - notamment il fut fait état de la maison-atelier de Gustave Moreau – et un ensemble de « bonnes pratiques » illustrèrent les conclusions.

Une méthodologie de recherche des principaux objets d'attachement fut en outre proposée, avant les remarques concordante énoncées par le rapporteur de séance, la muséographe Carole Benaiteau.

Tout au long de ce colloque/rencontres, l'importance de trouver et de reconnaître du sens aux objets et aux territoires fut largement mise en évidence.

A.G., 18 juillet 2022

Les Maisons des Illustres : des mémoires en mouvements


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