Partir à la découverte des collections lisboètes est une aventure assez fabuleuse.
D'abord parce qu'elles sont fort nombreuses et très diversifiées, grâce à la présence d'importants collectionneurs privés et d'un grand ensemble d'institutions muséales, parmi lesquelles la
fondation Gulbenkian n'est pas la moindre. Héritière de l'imposant collectionneur d'origine arménienne Calouste Gulbenkian, appelé Mr 5% des ressources pétrolières, elle présente ses collections très diverses (art oriental, notamment persan, peinture impressionniste...) et en outre s'est engagée dans des collections d'art moderne et contemporain portugais et internationaux.
Plus contemporaines, les collections de Joé (José)
Berardo présentent principalement des pièces d'artistes ayant marqué la période de 1960 à nos jours, rangés par mouvements esthétiques, surréalisme, op'art, pop'art, arte povera, hyperréalisme, conceptualisme, minimalisme...
Mais d'autres collections privées sont un peu plus discrètes, qu'il s'agisse de celles de l'ingénieur
Antonio Medeiros e Almeda ou du docteur
Anastacio Gonçalves.
Une des caractéristiques des collections privées repose sur le fait que chacun des collectionneurs s'intéressait à plusieurs types d'objets et confirmait en quelque sorte la règle locale selon laquelle tout collectionneur digne de ce nom se doit d'être un multi-collectionneur passionné par la recherche d'objets rares et d'œuvres de qualité.
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Museu Calouste Gulbenkian
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Ensuite parce que la ville par ses richesses historiques et architecturales semble vouer un véritable culte aux arts, qu'ils soient anciens ou récents. Ce qui se traduit par un imposant lot de musées de haute qualité, par des palais regorgeant d'œuvres patrimoniales essentielles ou encore par des pratiques contemporaines très vivantes comme en témoigne la production de peintures et d'assemblages muraux par de jeunes artistes.
Bravant les déclivités géographiques, le climat variable de la ville (heureusement à ce moment sans pluie) et les impératifs horaires imposés par un programme chargé, une trentaine de membres de la
Fondation universitaire (Bruxelles), sous la houlette de sa volontaire directrice Hilde Garmyn, ont fait l'expérience des richesses incluses dans ces collections lisboètes durant cinq jours entiers de visites en mai 2019, sur base d'un programme arrêté par Ana Paula Correia, Docteur en histoire de l'art de l'Université catholique de Louvain et par Axel Gryspeerdt, Président de la
Fondation Collectiana.
La douzaine de collections visitées les ont particulièrement enchantés, à la fois par la variété et la richesse des œuvres présentées mais aussi par la qualité et la haute expertise des personnes qui les ont merveilleusement accueillis et fait vivre devant eux les objets les plus représentatifs des collections. Ils ont été particulièrement choyés par les propriétaires, les conservateurs ou les commissaires des expositions, historiens d'art.
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Collection Anastacio Gonçalves
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Six moments forts marquèrent particulièrement leur séjour.
- La découverte très documentée des azulejos et des jardins du Palais des Marquis de Fronteira, superbement commentés par Ana Correa, qui leur a en outre montré dans une magistrale conférence, fort appréciée, l'origine des dessins des azulejos portugais, notamment ceux réunis dans le palais de Fronteira et dans le palais de Bacalhoa, ce dernier appartenant actuellement à José Berardo. Le marquis – D. José Maria Mascarenhas – leur fit l'immense plaisir de les accompagner une grande partie de la soirée dans ses appartements privés riches eux-aussi en œuvres d'art de documents d'histoire, comme le reste du palais.
- L'exploration dans les très riches archives patrimoniales de la Santa Casa de la Miséricorde, révélant des aspects plus méconnus, voire cachés de la vie lisboète, découvertes après une plongée dans les ors de l'église et du musée Saint-Roque.
- Le musée des carrosses baroques les a surpris par la magnificence des pièces exposées.
- La riche collection de la fondation Berardo, composée d'œuvres d'artistes-clefs du XXe s.
- L'énorme atelier de l'artiste Joana Vasconcelos, à la renommée internationale, occupant d'anciens hangars le long des quais d'Alcantara (le quartier où se trouve notamment le Musée de l'Orient), leur permettant de découvrir « le dessous des cartes » de la production artistique, réalisée par une équipe d'une soixantaine de personnes.
- Les chefs d'œuvres du Musée d'art ancien, spécialisé en art religieux, mais pas seulement. Un impressionnant ensemble de crèches, de très riches paravents dorés japonais, de l'orfèvrerie « royale », sans négliger le triptyque portugais de Saint-Vincent, ni la Tentation de Saint Antoine de Jérôme Bosch.
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Museu Nacional dos Coches
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Mais il faudrait aussi relever dans le séjour de ces visiteurs explorateurs de collections, le merveilleux
musée des Azulejos, la découverte des mille collections de l'homme d'affaires
Antonio Medeiros e Almeida, le fastueux
palais d'Ajuda et son « envers du décor » que constituent ses réserves, le beau mais bref passage dans le
Musée d'art ancien de la Fondation Gulbenkian, mais aussi le moment de repos agréablement passé dans la véranda du
Gremio Literario superbement située au-dessus d'un jardin délicatement arboré et face aux eaux miroitantes du Tage, ou encore la soirée haute en chansons de Lisbonne et de Coimbra concoctée par la
Tertulia do fado e da inquitaçâo.
Le hasard du calendrier a voulu que durant le séjour de ces intrépides visiteurs se tienne la foire d'art contemporain annuelle ArcoLisboa présentant des artistes locaux et internationaux (surtout africains). Mais pas plus qu'un arrêt au temple de la décoration fantaisiste de collections d'objets de toutes sortes que constitue le bar appelé « pavilhâo chinès », le programme n'a pu incorporer le passage dans la Corderie nationale (haut lieu d'exposition) où se déroulait la foire en question.
Qu'on se le dise pour d'autres voyages individuels ou en groupe, le séjour bien que chargé en expériences et en découvertes multiples, n'a pas réussi à épuiser les nombreuses collections réunies à Lisbonne. Il en reste bien davantage encore à explorer dans des palais (par exemple le palace du banquier Ricardo Espirito Santo Silva), dans des fondations (d'artistes comme Helena Vieira da Silva et Arpad Szenes, ou de collectionneurs comme celle de Miguel et Manuel Leal Rios ou de Artur Ernesto Cruz Magalhâes), ou encore dans des institutions à l'architecture renversante, telle la centrale électrique, qui accueille les collection de l'EDP (l'électricité du Portugal) ou le MAAT qui en est une des émanations ultra-contemporaines, sans négliger d'importants musées tels le musée de l'Orient et le musée de la Marine.
A.G. 15 juin 2019
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Chez Joana Vasconcelos
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Musée Medeiros e Almeida
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Musée Medeiros e Almeida
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Les réserves mystérieuses du Palaço da Ajuda (ph. N. Sofronis)
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Grémio Literário, véranda
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