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À la découverte des collectionneurs de l'exposition

Philippe Scieur


Philippe Scieur, bibliophiliste

D'où est venue cette idée de collection ?

J'ai 18 ans, les années 80 pointent à l'horizon. Un ami me prête un livre au format bizarre, qui lui tient très à cœur. L'ouvrage, en format A4 paysage, est le fruit de la patience de son père qui a découpé patiemment dans La Libre Belgique, un peu avant la seconde guerre mondiale, les feuilletons d'un roman : « Toine Culot, obèse ardennais ». Je découvre l'auteur, Arthur Masson ; je découvre un « héros » pittoresque, Toine Culot. Je décide de m'intéresser aux deux personnages. Je commence à rechercher chez les bouquinistes les ouvrages d'Arthur Masson, en choisissant ceux qui correspondent à l'année officielle de leur parution. Il est vrai que les librairies et les bouquineries relèvent d'un de mes « espaces-temps » préférés. Je reconstitue la « Toinade » (l'ensemble des romans qui mettent en scène Toine Culot) pour ensuite, au gré des occasions, compléter ma collection par l'ensemble des productions littéraires d'Arthur Masson (toujours dans leur année originale d'édition).

Pourquoi ? Quelles motivations ?

L'œuvre d'Arthur Masson me touche par la truculence des personnages mais aussi leur authenticité dans un monde rural aujourd'hui révolu. La lecture des Toine Culot me fait rire et me plonge, sans nostalgie, vers un passé et une génération ancienne, celle de mes grands-parents. Il y a aussi sans doute une part de mes racines dans la constitution de cette bien modeste collection : mon père était originaire d'une très petite ville à environ 15 km (à vol d'oiseau) de Treignes, le berceau de Toine, et les expressions en wallon qui ponctuent régulièrement les propos des personnages sont proches du dialecte qu'il pratiquait à l'occasion. Le patois carolorégien auquel je me réfère plus volontiers n'en est pas très éloigné.

Quel est votre objet préféré ? Pourquoi ?

Dans la collection, j'ai vraiment une préférence pour la « Toinade » dans son ensemble. Plus particulièrement, j'apprécie les deux tomes de « Toine dans la tourmente ».

Quel est votre rêve de collectionneur ?

Je n'ai pas de rêve de collectionneur. L'intégrale de l'œuvre d'Arthur Masson est ma seule collection.

Que pense votre entourage (famille, amis) de votre passion ?

Mon épouse a dû supporter mes longues balades en bouquinerie même si j'ai pris du temps pour constituer la collection (je n'étais pas pressé). Redu, le village du livre, est par exemple une destination pour laquelle j'ai dû exercer un certain art de la négociation, sans obtenir nécessairement le succès.

Jacques Attali a écrit : « En réalité, le collectionneur ne choisit pas son sujet. Il est choisi par lui... ». Qu'en pensez-vous ?

Je ne partage pas cette vision déterministe d'Attali, qui occulte qu'une collection, ce sont des rencontres volontaires ou fortuites (et donc des interactions) avec des personnes, avec des objets matériels (un livre, une moto...) et immatériels (ses racines, par exemple) et... avec soi-même (notamment via le plaisir procuré).
La collection est une expérience sociale d'un sujet agissant.

Philippe Scieur




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