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bloc-notes d’Axel Gryspeerdt
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Anne-Marie Springer (née à Paris, vit en Suisse),
femme et collectionneuse
Anne-Marie Springer
Dans l’intimité des lettres d’amour
Une femme collectionne-t-elle différemment d’un homme ? Peut-on rencontrer les vertus féminines dans une collection, telle celle récoltée par la Suissesse Anne-Marie Springer, qui paraît placée sous l’égide de l’intimité ?

Comme sans hasard, eu égard à son genre, en effet, sa collection est composée de lettres d’amour et de notes manuscrites adressées aux enfants. Tout se joue sur le mode du tendre.

Anne-Marie Springer n’a pas hésité à rendre apparentes les lettres collectées amoureusement par elle. Des premières, rencontrées par hasard, quasiment par coup de cœur, jusqu’aux autres, devenues actuellement plus de 2000, recherchées passionnément chez les bouquinistes et dans les salles de vente, par elle-même et certains de ses conseillers. Il lui arrive parfois de faire état, sans se plaindre, de ce que les vendeurs accordent leur priorité à l’achat par des hommes et considèrent ses choix comme instinctifs, voire impulsifs. Quand on sait combien sélectifs sont ses achats, on se rend aisément compte que ce dernier qualificatif ne peut qu’être exagéré.

Symptomatique aussi, le sous-titre qu’elle a donné à un ouvrage publié en 2006. N’y a-t-il pas en effet une trace de féminitude dans le fait de parler de « collection dévoilée » ? En plus du fait que les Lettres intimes (titre de l’ouvrage paru aux éditions Textuel à Paris) sont pour une fois publiquement montrées, n’y a-t-il pas aussi une manière pour la propriétaire de dévoiler sa mentalité ? De se rendre elle-même apparente dans ce qu’elle a de plus cher ? Dans ses joies, comme dans ses peines. Dans ses tourments et dans ses moments de plaisir.
Des chagrins d’amour, elle en a connus. C’est notamment le cas, déclare-t-elle quand une lettre disparaît à jamais. Elle en garde alors une totale nostalgie. Et ceci qu’il s’agisse d’une lettre ancienne ou non – les plus anciennes de sa collection remontent au XVIe siècle, les plus contemporaines, au XXIe siècle.

On y trouve des missives de savants, comme Charles Darwin ou Théodore Monod, de poètes comme Alfred de Vigny ou Guillaume Apollinaire, de vedettes comme Edith Piaf, Elvis Presley ou Marlène Dietrich ou encore de personnalités plus anciennes comme Diane de Poitiers, Frédéric II ou encore Napoléon Bonaparte. Sans oublier bien sûr les musiciens lyriques, tels Frédéric Chopin ou Hector Berlioz et aussi… de nombreux hommes et femmes de lettres, parmi lesquels François-René de Chateaubriand et bien entendu la comtesse de Ségur. Mais sont également l’objet de ses soins les personnes publiquement inconnues, pour lesquelles elle dit avoir une forme de tendresse particulière.

Lettres IntimesIl vrai qu’Anne-Marie Springer n’hésite pas à parler du contenu des lettres, de même que du contenu de sa passion et de sa manière propre de collectionner. Depuis la publication de Lettres intimes, de nombreuses interviews sont parues dans des journaux et des magazines, dans des blogs et des sites associatifs divers. Elle semble tout particulièrement réussir à émouvoir les journalistes férus de comprendre les deux mécanismes sollicités : les motivations des lettres d’amour et celles du fait de les collectionner. Les entretiens entremêlent ainsi les deux éléments, passant joyeusement de l’un à l’autre, comme si les deux intimités se rejoignaient.

Mais, Anne-Marie Springer est avant tout une obstinée : elle classe, elle range, elle conserve, elle annote, elle étudie, elle rédige des notices ou propose à d’autres de les rédiger. La recherche tant sur les auteurs des lettres que sur leurs destinataires, l’achat, mais surtout le classement, l’inventaire, l’analyse, occupent beaucoup de son temps. Véritablement prise par sa passion, elle s’est notamment constituée une vaste lettrothèque, dans laquelle, par un procédé de tiroirs à vitres, elle range et elle expose les lettres conservées. Un bâtiment spécifique accueille ainsi ses trésors, dans des meubles en citronnier et en ébène de Macassar spécialement conçus pour les contenir.

Sa joie profonde est le partage de sa passion et la transmission à un vaste public des lettres découvertes, dont l’usage s’est estompé, tout à la fois par le temps qui nous sépare de leur rédaction et par les changements actuels des modes techniques de communication.

Aussi s’insère-t-elle particulièrement dans l’ère de l’internet et des nouveaux médias, en projetant de réaliser, outre un CD, un site web de large consultation. Pour l’instant, elle a déjà posé quelques pierres, en exposant des originaux à la Fondation Martin Bodmer à Cologny, près de Genève, fondation spécialisée dans les lettres autographes et accueillant notamment en ses murs la Bibliotheca Bodmeriana.
Elle a également réalisé à Paris une exposition de fac-similés et amené des lecteurs et lectrices à donner connaissance oralement du contenu des lettres les plus percutantes, notamment à la fondation de la Poste, dont l’objet social est rencontré par sa marotte.

Un second recueil des lettres qui l’ont le plus touchée a été publié en 2008 sous l’intitulé, doublement révélateur lui-aussi, d’Amoureuse et rebelle. Histoires d’amour et lettres inédites d’Arletty, Edith Piaf et Albertine Sarrazin (Collection Anne-Marie Springer, chez Textuel, à Paris).
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