anneaux
bloc-notes d’Axel Gryspeerdt
logo
logo
Wim Delvoye (Wervik, 1965 – vit à Gentbrugge, près de Gand), ou la passion du baroque et des étiquettes de fromage.

Wim Delvoye
De la passion des cochons à celle des chromos.
Parmi l’ensemble des créateurs contemporains, Wim Delvoye est sans conteste celui qui exploite au maximum l’âme du collectionneur. Chez cet artiste turbulent, auteur d’œuvres baroques, mécaniques ou animales, cela se traduit essentiellement par la production d’objets dérivés que réalise abondamment son atelier « d’esthétique industrielle ». Sans cesse tourné vers le futur au point de donner priorité à une exploitation maximale de l’informatique et du laser dans la création artistique, Wim Delvoye reste continuellement relié au passé, que celui-ci soit ancien – Wim Delvoye n’est-il pas devenu un des grands connaisseurs de l’art gothique ? – ou qu’il date seulement de sa jeunesse.

Il a ainsi gardé toute la nostalgie des objets et des signes son enfance : plumiers, puzzles, boîtes de crayons de couleurs, livres de coloriage ou encore albums de vignettes à coller et sets de View-Master.

Il partage avec Umberto Eco le goût de l’énumération des marques, et reproduit ou plagie à gogo les logos des grandes firmes. Sa signature est inspirée par la calligraphie de Walt Disney et Monsieur Propre est un de ses grands héros. Ses cochons tatoués véhiculent le sigle Vuitton.

Pas étonnant dès lors qu’il soit devenu un des grands collectionneurs d’étiquettes de fromage La Vache qui Rit (plus de 4000) et que ses boîtes à archives aient emmagasiné un ensemble de vestiges de la civilisation industrielle. Et qu’il possède aussi un des premiers livres d’images de collection, établi par Panini en 1921, ainsi que des centaines de chromos édités par Côte d’Or ou diffusés par Delhaize et bien entendu aussi par Panini, chromos que, selon lui, les firmes s’empressent de publier dès que l’économie se porte mal. Il adore accumuler les cartons, les vignettes, les couvercles et les stickers, sans le moindre regret.

Étant donné leur aspect baroque et rococo, il s’intéresse aussi énormément aux bronzes académiques du XIXe siècle et s’est constitué une collection des œuvres de Mathurin Moreau et de Claude Michel, connu sous le nom de Clodion. Selon ses déclarations, voir les statues en question lui permet de relativiser son propre travail et de ne pas se prendre trop au sérieux.

En 2005, l’artiste plasticien a émis une centaine d’obligations convertibles de 3000 euros chacune, en vue de recueillir des fonds l’aidant dans son projet de créer un musée permanent du Cloaca. On sait que sous cet intitulé, ont été imaginées et créées par lui une série de machines illustrant et parodiant le système digestif complet d’un être humain. Par cette production, il entend là aussi mettre en scène de manière métaphorique les travers de la société industrielle et de l’univers de la consommation.

Ce spécialiste de l’hybridation dans l’art, fasciné par les nouvelles technologies, charrie sans cesse les grands mythes modernes, en les malaxant avec sa propre vision du monde et en les subvertissant, rejoignant ainsi les deux significations les plus courantes du verbe charrier.

Wim Delvoye est, en conséquence, devenu le créateur qui incarne le plus l’âme même du collectionneur et qui peut lui fournir le plus de sujets de réjouissances. Ayant gardé, comme bon nombre de collectionneurs, un esprit d’enfance et la nostalgie des contes de fées – grandes demeures, châteaux, fermes mythiques font partie de ses propriétés – il aime assembler les pièces miniatures en vue de constituer un village d’artisan maquettiste. A l’heure actuelle des nouvelles technologies, ces maquettes sont devenues virtuelles. Ainsi, la page d’accueil de son site Web est un parfait régal, résultant de la combinaison ludique issue de l’amour des jouets et de la volonté d’organiser un espace créatif à la hauteur de sujets de société. Dans le village ainsi créé, un circuit automobile épouse les chemins d’un tracé d’installation routière.

S’inspirer de la démarche de Wim Delvoye consiste dès lors à suivre des voies où s’entremêlent infiniment les fils du passé et ceux de l’avenir. Il s’agit cependant des mêmes fils et des mêmes traces que ceux qui ont permis à la société de la consommation de se développer. Ne s’aventure-t-on, dès lors pas, par son intermédiaire, sur les ponts qui relient l’immersion dans la consommation à la subversion de la société contemporaine ?


Wim Delvoye Cloaca
Wim Delvoye Cochon Louis Vuitton
Wim Delvoye La Vache Qui Rit
Wim Delvoye Twisted Dump Truck
Wim Delvoye Website
Vue partielle du site web de Wim Delvoye
Vue partielle du site web de Wim Delvoye
© 2012 collectiana.org - Fondation d'utilité publique - bloc-notes d’Axel Gryspeerdt - Tous droits réservés
ombre