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Gustave Caillebotte (Paris, 1848 – Gennevilliers, 1894),
héraut de l’art impressionniste en tant que collectionneur, davantage encore qu’en tant que peintre
Gustave Caillebotte  autoportrait
La curiosité pour l’impressionnisme
Gustave Caillebotte incarne parfaitement l’adage contemporain selon lequel les collectionneurs occupent une place essentielle voire primordiale dans le circuit de la création artistique. Chez lui, la sensibilité esthétique de l’amateur l’emporte largement sur la production propre au créateur.
Si Gustave Caillebotte apparaît comme un des impressionnistes qui comptent, il est souvent cité loin derrière Auguste Renoir, Edgar Degas, Claude Monet, Edouard Manet et autres Alfred Sisley, par ceux qui accordent un jugement critique sur la qualité, le doigté et la technicité, voire le génie créateur des membres de ce mouvement.

Plusieurs biographes n’hésitent pas à écrire qu’il est devenu « plus célèbre comme collectionneur que comme peintre » (Encyclopedia Universalis, Thesaurus-Index, volume 18, Paris, 1968, p. 295).

En cela, il se différencie fortement de l’ensemble des personnes qui ont marqué l’art, à l’exception sans doute d’une personnalité comme André Breton. Bien après Caillebotte, ce sont en partie les œuvres possédées par ce dernier dans son cabinet qui concoururent d’une manière incontestable à sa renommée. André Breton était homme de lettres et les galeristes devenus connus grâce à leurs collections n’étaient, à quelques exceptions près, pas des peintres.
Caillebotte par contre marqua son temps, à la fois comme artiste et comme collectionneur, même si, aux yeux de certains, son génie résida principalement dans le choix des œuvres qu’il se procura auprès de ses amis, déjà cités ici, Auguste Renoir, Edgar Degas, Claude Monet, Edouard Manet et Alfred Sisley.

Usant de beaucoup de diplomatie, Gustave Caillebotte garda son amitié et sa confiance à la fois envers Edgar Degas et les autres impressionnistes, malgré les vives oppositions et la rivalité entre le premier et ces derniers.
Ironie du sort, ses inlassables efforts pour promouvoir la peinture de ses amis eut pour effet de déclasser sa propre production par rapport à la leur. Elle aboutit à rendre Gustave Caillebotte davantage célèbre par ses actions de mécénat et d’acquisition d’œuvres que par son propre talent. Avant tout amoureux de la peinture de ses amis, il fut pour ceux-ci un mécène très généreux leur assurant d’importants moyens de subsistance. Son jugement devant leurs œuvres était empreint de discernement et grâce à lui, il les aida tout en facilitant leur travail.

Dans un tableau étrange, peint en 1880, le peintre semble nous regarder de face. En fait, il se représente lui-même en train de peindre, le dos tourné à trois des tableaux de sa collection, dont un Renoir. Il montre ainsi l’attachement profond qu’il portait à ceux qui contemplaient ses œuvres, à ses amis peintres, à la peinture et à sa famille. Son frère musicien Martial est en effet assis derrière lui, dans ce qui paraît être un grand fauteuil ou un canapé.

Gustave Caillebotte - Autoportrait au chevalet

Aujourd’hui son combat en faveur de l’impressionnisme est largement reconnu. Toute sa vie, il lutta pour faire accepter par l’ensemble de ses contemporains les œuvres produites par ses amis. Il ne ménagea aucun de ses efforts pour en assurer la promotion lors d’expositions. Les sarcasmes dont il fut victime, ainsi que les conflits au sein desquels il se trouva, contribuèrent de manière frappante à sa renommée. L’aventure de son legs à l’Etat français figure désormais dans ses faits d’armes les plus brillants, les hauts fonctionnaires s’étant ridiculisés par le refus d’une partie importante des œuvres que souhaitait leur laisser Gustave Caillebotte. Parmi ces dernières figuraient des Baigneuses et Baigneurs de Paul Cézanne, sept toiles d’Edgar Degas et une dizaine de Camille Pissarro. Certes, à l’époque, ces représentants de l’autorité avaient le soutien d’une importante partie de l’opinion publique et les pressions de l’Académie des Beaux-Arts ont pleinement joué contre l’art des peintres impressionnistes.
Ces pressions s’inscrivent dans l’histoire des grandes luttes artistiques qui marquèrent la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. Ainsi, l’Académie des Beaux-Arts refusa l’entrée au Musée du Luxembourg des tableaux qu’il avait légués à l’Etat français, en arguant du fait que les toiles en question constituaient « une offense à la dignité de (leur) école ». Alors que le Musée du Luxembourg était censé accueillir les œuvres des artistes en vie, la collection de Gustave Caillebotte fut d’abord « parquée » dans une annexe, « en pénitence », avant de rejoindre bien plus tard le musée du Jeu de Paume puis le Musée d’Orsay, – mais jamais le Louvre, auquel le mécène impressionniste les destinait.
Vu le grand nombre d’œuvres refusées par l’Etat (29 œuvres sur 68) et les œuvres héritées par Martial Caillebotte, les collections privées accueillent actuellement une série importante de tableaux de l’artiste.
Gustave Caillebote dans sa serre
Gustave Caillebotte fut aussi un grand philatéliste. Faisant allusion à sa collaboration avec son frère Martial dans le domaine notamment des timbres mexicains, l’auteur anonyme d’une page de Wikipédia écrit que « les Caillebotte furent parmi les premiers à collectionner toutes les nuances d'impression d'un même timbre; ils furent également les pionniers de l'étude des affranchissements, tant et si bien qu'une partie non négligeable de leur collection était constituée de cachets et de surcharges. La plus grande partie de cette collection, intégrée à la collection Tapling, peut encore se voir aujourd'hui à la British Library de Londres. » (Wikipédia, Gustave Caillebotte).

En outre, Gustave Caillebotte fut également un grand amateur de plantes et d’arbres de différentes espèces et passa une partie de son temps dans le jardin et la serre qu’il avait édifiés à Petit-Gennevilliers, sans que son jardin ne supporte totalement la comparaison avec celui que Claude Monet avait créé à Giverny.

La figure de Gustave Caillebotte illustre dès lors le discernement de certains collectionneurs et aussi leur pouvoir. Un pouvoir d’influence capable, dans son cas, de faire reconnaître une tendance de l’art largement contestée à son époque. Son influence s’était en effet principalement manifestée lors de son legs à l’Etat consenti dès l’âge de 28 ans dans l’intention que les œuvres impressionnistes puissent figurer dans les collections nationales. Elle s’était également exprimée sous la forme d’un soutien continu aux artistes dont il admirait les productions, qu’il s’agisse d’acheter leur tableaux, d’éponger leurs dettes, voire même de leur assurer un logement. Ce qui ne fut pas sans effet sur leur production.
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