Louis-Antoine Prat (1944 – vit à Paris)
et quelques autres : les mobiles du collectionneur
Écrire sa passion
Bon nombre d'entre eux sont anonymes ou peu connus, mais quelques collectionneurs, parmi lesquels
Alain Delon (°Sceaux 1935),
Georges Pébereau (°Digne 1931) ou encore
Louis- Antoine Prat (°1944) et sa femme
Véronique, grands collectionneurs de dessins anciens français et italiens, voire allemands et britanniques, mentionnent leur nom de manière fort explicite en public.
Dans une exposition dénommée
L'œil et la passion, sous-titrée
Dessins italiens de la Renaissance dans les collections privées françaises, tenue au Musée des Beaux-Arts de Caen en 2011, ces collectionneurs privés n'hésitent pas à commenter devant les visiteurs les diverses œuvres exposées.
Parmi ces dernières, des dessins préparatoires totalement éphémères et donc d'une certaine manière
destinés à la poubelle que certains d'entre eux ont acquis et protégés de la disparition. Preuve supplémentaire du rôle immense joué par la subjectivité et l'intuition des collectionneurs dans la sauvegarde d'un patrimoine, qui risque d'être perdu à jamais sans leur acharnement.
Ainsi l'exposition de Caen avait-t-elle pour principale originalité de réunir des œuvres provenant de près de trente collections privées, ou de legs et de donations à des institutions publiques, mais dont le contenu a été jusqu'à présent peu ou jamais montré de manière ouverte.
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L'Œil et la passion (Caen) |
Dans le catalogue de l'exposition en question, l'historien d'art Alvar González-Palacos publie un texte intitulé
Le métier du collectionneur. Dans ce texte, il n'hésite pas à emprunter à Roland Barthes ses concepts de
studium et de
punctum (La chambre claire, Gallimard/Seuil, Paris, 1980). Ce qui lui permet d'indiquer que le goût des collectionneurs, bien que très souvent inexpliqué et indissociablement lié à la subjectivité de chacun de ceux-ci, n'empêche pas la cohabitation entre eux. Celle-ci s'effectue en général de manière harmonieuse, étant donné la curiosité intellectuelle développée par les collectionneurs.
Citant Kenneth McKenzie Clark, Gonzáles-Palacios ajoute que
« le collectionneur demeure un égoïste ». Mais il ajoute immédiatement que
« ce serait une erreur de sous-estimer son importance dans la société parce que ses mobiles ne sont pas toujours clairs. »
L'œuvre bibliographique de
Louis-Antoine Prat illustre quasi parfaitement ce paradoxe entre l'enfermement des collectionneurs sur eux-mêmes et leur propension à tout partager. Mais on objectera que Louis-Antoine Prat possède deux fois deux casquettes, comme collectionneur et comme chargé de mission au Musée du Louvre, ainsi que comme romancier fou de littérature et comme amateur passionné de dessins. Ne lui doit-on pas des opuscules sur son domaine d'intérêt, consacrés à Berthe Morisot, Madeleine Lemaire et Marie Laurencin (
Femmes peintres et salons au temps de Proust, en collaboration, chez Hazan, Paris, 2010) ainsi qu'aux mythes et légendes représentés au Louvre (
Louvre, L'empire du Temps, Mythes et Créations, en collaboration, Éd. Réunion des musées nationaux, Paris, 2000) ?
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Louis-Antoine Prat |
Mais surtout des catalogues raisonnés et des ouvrages consacrés à Théodore Chassériau (en collaboration avec d'autres auteurs, RMN, Paris, 2002), à Jean Auguste Dominique Ingres (en collaboration, chez Gallimard, Paris, 2006), à Antoine Watteau (avec Pierre Rosenberg, ancien directeur du Louvre, chez Hazan, Paris, 2011), à Jean-Louis David (avec Pierre Rosenberg, RMN, Paris, 1999), ainsi qu'à Nicolas Poussin (également avec Pierre Rosenberg, RMN, Paris, 1999).
En outre, ne lui est-on pas également redevable de livres consacrés à ceux qu'il considère comme des collègues en collections, qu'ils soient contemporains, tel Georges Pébereau (en collaboration, Éditions du Musée du Louvre, Paris, 2009), déjà cité plus haut, ou plus anciens, tel Philippe de Chennevières (1820- 1894)
(La collection Chennevières, Quatre siècles de dessins français, ouvrage réalisé en collaboration avec Laurence Lhinares, École nationale supérieure des Beaux-Arts, Paris, 2007)?
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La collection Chennevieres |
En 2012, Prat publie un imposant livre d'art intitulé Le dessin français au XIXe siècle (coédition Somogy et Musée d'Orsay).
Avec sa femme Véronique, n'est-il pas devenu un des plus grands collectionneurs privés au monde de dessins français anciens – plus d'un millier – de Poussin à Cézanne ?
Un sujet de prédilection, le dessin français, qu'il souhaite faire partager au plus grand nombre.
Une bibliographie super abondante. Une communication sur sa passion. Nous voici loin des collectionneurs discrets dont Stephen Weil rappelait
« le goût des plaisirs fulgurants et sans témoins » (Stephen Weil,
A Cabinet of Curiosities, Ed. Smithsonian Institute, Washington DC, 1995).
Quelle différence avec son père, déjà collectionneur, mais dont il dit qu'il n'était guère éclairé sur les arts, bien que sa marotte l'ait entraîné à remplir une maison à Paris et une maison à Nice de dessins et de meubles anciens !