Damien Caparros (Annecy [?], 1976 – habite à Paris) et
Daniel Murguet (Bordeaux, 1985 – habite à Angoulême).
Une collection virtuelle d’applications Smartphone
Le phénomène présente quelques analogies avec la récolte parfois frénétique, naguère, de disques vinyles, puis de CD et de DVD, de même qu’avec celle des jeux vidéo. Quoique.
Avec le développement des applications Smartphone, quelques amateurs, par passion ou par intérêt professionnel et souvent simultanément par ces deux aspects, se sont rués sur ces « applis », très répandues dans le monde technologiquement ancré. A raison de quelques centaines nouvelles d’applications par jour, il existerait d’ailleurs à l’heure actuelle plus de 500.000 applications différentes (rien que pour App Store, selon un chiffre cité par plusieurs sources ; d’autres sources citent le nombre de 450.000 applications sur les plates-formes App Store, Android Market, BlackBerry et Ovi).
Quelques fans, parmi lesquels des étudiants et des professionnels de la communication, notamment
Damien Caparros et
Daniel Murguet, se sont faits ainsi un « devoir » de charger sur leur appareil, Caparros deux mille quatre cents « applis » et Murguet, davantage sélectif, seulement un millier.
Impressionné par leur boulimie technologique,
Boris Manenti n’hésite pas, dans un article du
Nouvel Observateur (5 août 2011), à apparenter celle-ci à la passion manifestée par les philatélistes ou par les collectionneurs d’images Panini.
Dès lors, serait en train d’émerger selon lui, une nouvelle classe de « collectionneurs numériques » auxquels il faudra bien trouver un nom un jour, laissant aux intéressés le plaisir de se désigner ou à des spécialistes de la lexicologie la charge de trouver les expressions les plus adéquates.
En attendant mieux, commencent à apparaître dans le vocabulaire branché les expressions de
smartophilie, applicatélie, applimanie, applicomanie, et leurs dérivées tout aussi exotiques.
Mais l’attitude adoptée et le plaisir pris sont-ils bien de même nature que ceux des autres « collectionneurs » ?
Ne serait-on pas plutôt en face de nouvelles catégories de consommateurs, boulimiques de tout type de produits et de biens ? Moins l’archivage que le plaisir de satisfaire un besoin d’achat ou de consultation dès qu’il se présente. Moins l’accumulation que le goût de pouvoir disposer de beaucoup de choses à la portée de la main.
Mais, direz-vous : également une même recherche compulsive permettant de satisfaire l’envie d’avoir le plus grand nombre d’applis, de les dégoter toutes !
La question n’est pas innocente, elle se pose en termes semblables pour le bibliophile, le bibliomane... Le tout n’est pas de se constituer une bibliothèque : allons voir l’attitude, la démarche : les livres sont-ils indicés, voire catalogués, enveloppés de toute une série de données explicatives, complétés par des notices techniques et critiques, conservés avec le plus grand soin, sauvegardés de tout type de péril (perte, vol, déclassement, incendie, vandalisme...) ?
Dès lors, leur recherche résulte-t-elle bien d’une
chasse, d’une volonté de capture, d’une certitude de compléter un manque ?
Smartophie, bibliophilie, philatélie, un même combat pour l’archivage et pour la sauvegarde des patrimoines, une même lutte pour compenser un manque !
Mais il y a plus. Car comment dénommer et comment considérer alors le fait qu’avec le Smartphone comme avec l’ordinateur, on peut enregistrer les représentations et les coordonnées ( dates d’enregistrement, lieux de trouvaille GPS,...) d’une série d’objets convoités ?
Où se situe donc la collection virtuelle ? À partir de quand existe-t-elle ? Et selon quelles formes ?