Noubar Boyadjian (Rodostos, 1917 – 1996) et Micheline Evrard-Boyadjian (Bruges, 1923 – vit en région bruxelloise) : quel est donc l’état de tes cœurs ?
Collectionner les cœurs
Voici un auteur passionné par
le cœur : son histoire, son symbolisme, son iconographie et ses maladies (Editions Esco, Anvers, 1980), de profession, cardiologue, et de cœur, amoureux des histoires et des objets de cœur, de toutes sortes, au point d’en avoir accumulé, rangé, ordonné et mis en valeur plusieurs centaines, sinon des milliers.
Le titre d’un autre de ses ouvrages nous éclaire en quelque sorte sur le motif de sa quête :
« De l'image pieuse ... aux saints guérisseurs : la croyance et le cœur » (Editions Esco, Anvers, 1986), témoigne de l’étendue de ses collections : des objets divers en forme de cœur, mais aussi des images pieuses, des bénitiers, des reliquaires et, en conformité avec le talent esthétique de sa femme Micheline, des tableaux d’art naïf.
D’abord, les objets conservés furent exposés chez lui, du cabinet médical à la cuisine, puis, en partie, dans un musée spécifique (
le Musée du cœur, aujourd’hui présenté sous forme d’une salle d’exposition au Musée royal d’Art et d’Histoire de Bruxelles), ensuite au gré des donations de Micheline, confiés aux bons soins d’un musée intime, à savoir le Musée de Louvain-la-Neuve.
La collection Boyadjian affiche bon nombre de curiosités et d’objets de dévotion devenus objets de convoitise, évoquant singulièrement les collections d’ex-voto dont elle comporte plusieurs exemplaires.
La liste des cœurs est impressionnante, depuis ceux qui sont en relation avec le culte du Sacré-Cœur de Jésus, initié par sainte Marguerite-Marie au XVIIe siècle, jusqu’aux bijoux profanes en forme de cœur du XXe siècle, l’ensemble comportant des petites boîtes, des pendentifs, des bagues, des broderies et des dentelles, des colliers, des cendriers, des encriers, des assiettes, des verres, des flacons et des fioles, des boucles de ceinture, des meubles, des moules à pâtisserie, des coussins brodés de perles, des cartes de Saint-Valentin, et plein d’autres choses. Comme le dit le catalogue du Musée du cœur, « les objets religieux sont de loin les plus nombreux, les plus remarquables et les plus anciens; ce sont des ex-voto, des reliquaires, des chrismes, des lampes à huile, des bénitiers, des sculptures, des peintures, des images ».
On l’aura compris, toutes les formes, toutes les tailles et toutes les matières sont représentées, bois, émaux, faïence, os, métaux, écailles, verres, papiers et cartons, ivoires, etc.
Au Musée de Louvain-la-Neuve, l’art populaire est largement présenté, alignant outre les bénitiers, les reliquaires et les ex-voto, des statuettes, des automates, des boîtes à images, des canivets, des paperoles, des images d’Epinal et un grand nombre de « bondieuseries » diverses, dont plusieurs auraient définitivement disparu sans la manie du couple à se passionner pour les collecter au gré de leurs pérégrinations. Il en est de même du vaste ensemble d’images pieuses, rangées en six catégories, images de pèlerinages, de première communion, de la Sainte Famille, de méditation, de la Vierge et des saints.
Là aussi se trouve présentée, grâce à leur perspicacité, une série très émouvante de tableaux, représentatifs de diverses écoles d’art naïf. Les lecteurs d’Analole Jakovsky, le plus grand des connaisseurs de ce type esthétique, seront particulièrement ravis d’y retrouver les signatures d’artistes dont ce critique a raconté la vie et présenté les œuvres.
Devant tant d’images miraculeuses, comment ne pas avoir un coup de cœur et ne pas entrer de plain-pied dans cet univers envoûtant où agissent tant de forces mystérieuses et, tout compte fait, tant de croyances ? La croyance et le cœur, le fameux cardiologue n’aurait-il pas mis le doigt sur l’essentiel ?