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bloc-notes d’Axel Gryspeerdt
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Les monstruosités du fameux docteur P. Spitzner (1813 – 1894)

Agir pour la santé publique
Enfermé dans la mythologie de sa symbolique propre, le surréaliste Paul Delvaux est le seul qui se permit de réduire la collection de P. Spitzner à quelques squelettes. Un dessin et une toile du «Musée du Docteur Spitzner» en attestent, le peintre belge a une dette envers le collectionneur et on imagine sans peine qu’il a été complètement fasciné par ce dernier, celui-ci ayant exercé une influence sur toute son œuvre. Il vrai que l’exposition en question avait de quoi laisser des traces dans l’imaginaire de ses visiteurs.
Le Musée Spizner (Paul Delvaux 1943)
Le Musée Spizner (Paul Delvaux 1943)
Pour tout autre que Delvaux, la collection accumulée par le docteur Spitzner est essentiellement composée de cires anatomiques présentant des corps atroces, anormaux ou difformes, voire mutilés, et presque toujours monstrueux. Le célèbre docteur (?) n’était-il pas avant tout un montreur de foire, un créateur d’imaginaire cauchemardesque, ayant constitué son œuvre davantage dans un esprit de lucre que de salubrité publique ? Certes au nom de l’hygiène sociale, il exhibait les corps tourmentés, des entrailles béantes, des reins tuberculeux, des fœtus monstrueux, des jumeaux siamois collés par la hanche, un enfant crapaud, une jeune femme ayant subi une césarienne, des têtes vérolées, des peaux tordues par la maladie. Il s’agit de frapper les esprits, de provoquer les émotions populaires, d’attirer les esprits tortueux. Et d’enrober les pathologies macabres dans un discours scientifique moralisateur.
Le Musée Spitzner (Delvaux  encre  1933)
Le Musée Spitzner (Delvaux, encre, 1933)


catalogueAinsi que l’écrit Laurent Busine, directeur du Musée des arts contemporains du Grand Hornu, « cette collection nomade comptait plus de trois cents pièces, exhibées afin d’édifier les masses sur les progrès de la médecine dans différents domaines (entre autres : maladies de la peau, cancers, diverses affections syphilitiques ; monstres ; histoire de Médecine ; accouchement et chirurgie obstétricale ; embryogénie ; affections diverses du col de l’utérus ; curiosités anatomiques ; les effets néfastes de l’alcool sur l’organisme, etc.) et, pour la salle « réservée » des maladies vénériennes (…), afin de «mettre la jeunesse en garde contre les terribles dangers que représentent ces maladies» » (Vénus exposée, Bozar, Bruxelles, 2004, p.184).

Delvaux le sait d’autant plus qu’il donne au « Musée du Docteur Spitzner » l’apparence d’une attraction foraine : sise au milieu de la baraque, la guichetière attend le chaland.

La collection Spitzner n’est pas l’aboutissement d’une passion solitaire, elle est artificiellement créée pour être montrée, exhibée et d’une certaine manière pour attirer les foules. Mais toujours est-il que le fameux docteur l’a constituée tantôt en faisant appel à des producteurs de matériel pédagogique, tantôt en trouvant çà et là les figurines les plus plaisantes à son projet.

Selon certaines sources la sulfureuse collection appartiendrait actuellement à un laboratoire pharmaceutique. D’autres insistent sur le fait qu’il ne reste qu’une trace photographique de l’ensemble de la collection.

Avec un talent incontestable, Laurence Bastin a réussi encore à accentuer la force esthétique des monstrueuses cires anatomiques, en produisant des images particulièrement saisissantes de ces dernières.

Ce collectionneur de l’étrange, et dans son cas du malsain, aux sens propre comme au sens figuré, ne nous renvoie-t-il pas d’une certaine manière à l’étrangeté de toute collection ?
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